Peter Saville, le graphisme par excellence

06 septembre 2024
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En créant des pochettes de disques légendaires, Peter Saville a réalisé quelque chose qui est à portée de main de très peu : être une icône et influencer plusieurs générations d'artistes de diverses disciplines. Sa liste de clients est enviable : des groupes musicaux tels que Roxy Music, New Order ou Pulp, des marques comme Burberry et Lacoste et des institutions telles que la Whitechapel Gallery ou le Centre Pompidou. On ne va pas se mentir, mes visuels pour Panic sont inspirés des travaux de ce GRAND monsieur qui m'a donné envie de faire du graphisme !

Un révolutionnaire dans le design graphique

Si, comme moi, vous êtes passionné par la musique et la culture visuelle de l'Angleterre des années 70 et 80, vous devez connaître l'une des pochettes du label Factory Records et des groupes comme Joy Division ou encore New Order. Sur la plupart de ses création, Saville affectionne les compositions asymétriques et la typographie sans empattements. Dosage minimal de formes, simplicité et densité des propositions ; pour lui il s’agit de rester le plus simple possible (quitte à ne pas indiquer le nom des morceaux au verso).

Ses débuts et sa passion pour l'art

Peter Saville est né le 9 octobre 1955 à Manchester. Il étudia d'abord l'art au St Ambrose College, puis le design graphique au Manchester Polytechnic de 1975 à 1978. C'est là qu'il découvrit le travail du graphiste allemand Jan Tschichold et d'autres maîtres du Bauhaus. Saville mis les pieds dans le monde de la musique après une rencontre avec Tony Wilson, un journaliste et présentateur de télévision anglais, lors d'un show en 1978. Il en découla la commission par Wilson de la première affiche de Factory Records (nommée tout simplement : FAC 1) : une association subtile de la typographie moderniste et de l’iconographie industrielle.

FAC 1 Peter Saville
FAC 1, Peter Saville, 1978

Sa passion pour l'iconographie industrielle

Tony Wilson est totalement séduit par l'esthétique avant-gardiste de Saville. Rapidement, il l'invite à s'associer avec lui, Rob Gretton et Alan Erasmus chez Factory Records pour créer la première pochette du label pour le single "An Ideal for Living" de Joy Division en 1978. C’est le début d’une collaboration mythique !

La pochette présente une illustration en noir et blanc représentant un jeune garçon blond des jeunesses hitlériennes jouant du tambour. Ce dessin a été réalisé par le guitariste Bernard Sumner, alors crédité sous le nom de Bernard Albrecht dans le livret. Le nom du groupe, Joy! Division, apparaît en lettres gothiques. L'association de cette illustration avec le nom du groupe a suscité des polémiques, certains accusant le groupe de sympathies nazies alors qu'elle s'inscrit là dans une démarche typiquement punk destinée à choquer la génération de leurs parents, génération ayant connu la guerre, sans impliquer aucune idéologie.

Joy division An ideal for living peter saville
An Ideal For Living - Joy Division, Peter Saville, 1978

Factory Records : une révolution visuelle

L'univers visuel de Factory Records est indissociable de l'identité de Peter Saville. Il ne se contente pas de créer des pochettes d'albums ; il construit un langage visuel pour toute une époque musicale. Ses œuvres pour Joy Division, et notamment la fameuse pochette de l’album "Unknown Pleasures", sont devenues des icônes culturelles. Cette pochette, représentant des ondes radio du premier pulsar jamais découvert, est l'exemple parfait du style Saville : minimaliste, conceptuel et énigmatique.

Saville a souvent évoqué que son travail consistait à "donner une voix visuelle à ce qui n’en a pas". Pour New Order (la suite de Joy Division après le décès de Ian Curtis), il pousse encore plus loin les frontières en combinant photographie d'une peinture d'Henri Fantin-Latour, typographie et éléments graphiques innovants, comme dans la célèbre pochette de "Power, Corruption & Lies", qui oppose un arrangement de fleurs baroques à un code couleur crypté. Cette pochette restera son visuel préféré de toute sa carrière.

Ce qui distingue Peter Saville des autres graphistes, c’est sa capacité à raconter des histoires complexes à travers des visuels apparemment simples. Il ne s'agit jamais seulement de créer une image attrayante. Chaque élément de ses créations est chargé de sens, qu’il soit caché ou explicite. Saville explique souvent que ses oeuvres sont le résultat d'un processus de réflexion intense, où chaque détail compte. Ses travaux transcendent l'époque et continuent de parler à des générations entières, car ils sont ancrés dans des récits émotionnels et sociaux.

Après la musique : la mode et la culture pop

Après son séjour chez Pentagram et de mauvaises expériences dans les années 1990, Saville est retourné au Royaume-Uni et s'est réinventé en tant que designer en collaboration avec des marques de mode telles que Yohji Yamamoto, Jil Sander, Christian Dior, Givenchy, Lacoste. Il collabore avec ces marques qui voient en lui une figure capable de mêler art, mode et culture populaire de manière inédite. Son approche du design, où l’esthétique et la fonction se rejoignent dans une quête de perfection, s’adapte parfaitement à ces collaborations.

Lacoste Peter Saville
80 ans de Lacoste, Peter Saville, 2013

Saville a également contribué à des projets urbains et institutionnels, comme l'identité visuelle de la ville de Manchester ou celle de la marque anglaise Burberry. Chaque collaboration est marquée par la même rigueur et une approche novatrice du graphisme, fidèle à sa vision unique.

Son héritage

Peter Saville continue de créer et de nous inspirer aujourd'hui. Son travail est exposé dans des galeries et musées du monde entier, de la Tate Modern à Londres au Museum of Modern Art à New York. Il reste une figure clé pour comprendre comment le graphisme peut transcender le support et devenir une véritable forme d'expression culturelle.

Son impact sur le design graphique va bien au-delà des pochettes de disques et des logos de marques. Saville a montré que le design peut capturer l'esprit d'une époque, élever une œuvre musicale, et même influencer la mode et l’art en général. En redéfinissant constamment les règles du design, il a prouvé que l’esthétique et l’innovation vont de pair pour créer des icônes visuelles qui perdurent.

En 2024, lors d'une conférence, Peter Saville rappelle les circonstances uniques qui ont permis une telle liberté créative dans son travail. Il rappelle l’importance de préserver son intégrité, son identité et ses convictions personnelles dans le métier de designer graphique, sous peine de se perdre. Saville insiste aussi sur l'importance de rester fidèle à nos valeurs, tant sur le plan moral que créatif, car c’est souvent cette touche personnelle qui rend un travail unique.

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2024 © jo anatole

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